Base de civilisation romaine (XIIe-XVe s.)
Cette base vise à récolter les matériaux nécessaires à l’histoire de la formation du lexique de la civilisation romaine en français médiéval. Elle repose sur le dépouillement de nombreux textes (en particulier des traductions) encore inédits à ce jour. Son point de départ est le concept latin, auquel sont rattachés des « équivalents » français, qu’il s’agisse de lexèmes du vocabulaire courant ou de latinismes néologiques. Les gloses recensées permettent de se faire une idée plus juste de la représentation de la Rome antique et, éventuellement, de repérer une tradition textuelle.
Origine de la ressource | ATILF (Nancy Université - CNRS), CELTED (Université Paul Verlaine - Metz) |
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Nature des données | Lexique onomasiologique |
Origines de la base
L’origine de la Base de civilisation romaine part d’un triple constat :
1. Les unités lexicales référant à la Rome ancienne sont mal traitées par la lexicographie historique française :
- elles sont sous-représentées dans la nomenclature des dictionnaires différentiels de Godefroy et de Huguet : comme la forme médiévale, issue d’un emprunt, s’est souvent conservée en français moderne, elle n’est généralement pas retenue : ainsi, alors que pretexte (au sens de « toga praetexta ») figure dans GdfC, l’entrée est absente dans Huguet. Chez Huguet, la logique différentielle est particulièrement assumée : aucun exemple de preteur n’illustre la fonction de magistrat romain. En revanche, des occurrences en sont relevées lorsque preteur est appliqué à des magistrats athéniens.
- le dictionnaire de Tobler-Lommatzsch n’a pris en compte que des textes édités, or la plupart des traductions d’histoire antique sont inédites encore aujourd’hui. En outre, ses bornes chronologiques excluent les grandes traductions savantes des autorités latines antiques rédigées dans la seconde moitié du XIVe s. (traductions de Tite-Live par Bersuire, de la Cité de Dieu par Raoul de Presles, de Valère-Maxime par Simon de Hesdin et Nicolas de Gonesse). Le Dictionnaire du Moyen Français (DMF) possède désormais un Lexique de la civilisation romaine, largement extrait de la Base de civilisation romaine, qui a été partiellement pris en compte dans la forme synthétisée du DMF (version 10 et suivantes).
Lorsque l’unité lexicale figure dans la nomenclature, sa lexicalisation ne fait pas l’objet d’un traitement fin. Les informations présentées sont insuffisantes pour distinguer la première attestation absolue d’une occurrence lexicalisée. D’autre part, les définitions laissent à désirer : à propos des glossaires d’édition critique, F. Möhren a martelé lors d'un récent colloque : « Une définition doit rendre compte de la réalité. Il a été dit et redit que notre perception d'une réalité historique doit être rectifiée par la conscience du fait que notre point de vue est radicalement différent de celui de l'homme d'un passé donné » . A la fin du Moyen Age, les hommes qui écrivent ou traduisent l’histoire romaine en français n’ont qu’une connaissance extrêmement vague et uniquement livresque des « référents » de la Rome antique, qu'ils auront d'ailleurs tendance à transposer dans un univers qui leur est familier. Depuis, la connaissance du monde antique a progressé, tandis que l’univers mental des hommes de la fin du Moyen Age a laissé place à d’autres représentations. Il en résulte une « connaissance partagée » très faible entre les historiens du Moyen Age et le chercheur moderne. Qui plus est, cette « connaissance partagée » est tout aussi déséquilibrée pour la période antique que pour la fin du Moyen Age.
Dans la pratique, les lexicographes ont souvent défini un mot par lui même (du type consul : consul) ou bien par l’état des connaissance contemporaines, comme dans cet exemple tiré de GdfC :
vêtement blanc, bordé de pourpre, que portaient les jeunes patriciens et ceux qui étaient revêtus de certaines dignités:
Pretexte estoit une maniere de noble vestement. (BERSUIRE, Tit.-Liv., B. N. 20312ter, f° 3.)
2. Parallèlement, les recherches sur les traductions médiévales d’auteurs antiques ont livré de nombreuses analyses lexicales, sans disposer d’une vue d’ensemble et sans toujours être relayées par les travaux lexicographiques.
3. Le lexique est un outil utilisé pour verbaliser, mais aussi pour conceptualiser des référents. Le lexique peut nous aider à saisir l’image mentale de la Rome antique au Moyen Age (à côté de travaux d’iconographie ou de littérature).
Corpus
Compte tenu du déficit d’éditions modernes, il a été nécessaire de dépouiller des manuscrits et des éditions anciennes. Trois grands « massifs », très largement diffusés à la fin du Moyen Age et au début de l’époque moderne, sont copieusement représentés :
- traduction de la Cité de Dieu par Raoul de Presles
- traduction des Facta et dicta memorabilia par Valère-Maxime
Parmi les textes les plus souvent cités, mentionnons :
[1204-1212] Wauchier de Denain, La vie seint Marcel de Lymoges : Wauchier de Denain, La vie seint Marcel de Lymoges éd. M. Lynde-Recchia, Genève, 2005 (TLF, 578) [ms de base daté de 1285]
[1208-1213] Histoire ancienne jusqu’à César [partie romaine] : ms Paris, BNF, fr. 246
[ca 1213] Les faits des Romains : L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, Li fet des Romains, compilé ensemble de Saluste et de Suetoine et de Lucan, 2 vol., Paris-Groningen, 1938
[ca 1213] Calendre, Li empereors de Rome : ms Paris, BNF, fr. 794, f. 343r-360v
[ca 1225] Les Institutes de Justinien en français : F. Olivier-Martin, Les Institutes de Justinien en français, Paris (Libr. du Recueil Sirey) 1935 (Soc. Hist. du Droit) [ms de base de la 2e moitié du XIIIe s.]
[1re moitié du XIIIe s.] Traduction anonyme en prose de l’Ars amatoria d’Ovide : B. Roy, L’Art d’amours. Traduction et commentaire de l’Ars amatoria d’Ovide, Leiden, 1974 [ms de base du XVe s.]
[2e tiers du XIIIe s.] Jean de Thuin, Le roman de Jules César : Le roman de Jules César, éd. O. Collet, Genève, 1993 (TLF 426) [ms de base de la fin du XIIIe s.]
[2e quart du XIIIe s. ou ca 1265 ?] Jean de Thuin, Hystore de Julius Cesar : Li Hystore de Julius Cesar. Eine altfranzösische Erzählung in Prosa von Jehan de Tuim, Halle, 1881 [ms de base ca 1300]
[av. 1269] Brunetto Latini, Li livres dou Tresor : F. J. Carmody, Li livres dou tresor de Brunetto Latini, Berkeley-Los Angeles (Univ. of Cal. Press) 1948 (réimpr. Genève (Slatkine) 1998) [ms de base de la 1re moitié du XIVe s.]
[1282] Jean d’Antioche, La Rectorique de Marc Tulles Cyceron, traduction du De inventione de Cicéron : transcription inédite du ms Chantilly, Musée Condé 433 par W. Van Hoecke
[1284] Traduction de l’Epitoma rei militaris de Végèce par Jean de Meun
[1284-1290] Jean Priorat, Mise en vers de la traduction de l’Epitoma rei militaris de Végèce par Jean de Meun : U. Robert, « Li abrejance de l’ordre de chevalerie », mise en vers de la traduction de Végèce de Jean de Meun par Jean Priorat de Besançon, Paris, 1897 (SATF) [ms de base ca 1300]
[2e moitié du XIIIe s.] La chivelerie de Rome, traduction anonyme anglo-normande de l’Epitoma rei militaris de Végèce : ms Cambridge, Fitzwilliam Museum, Add. Ms. I Marlay Coll. [dernier quart du XIIIe s.]
[dernier quart du XIIIe s.] Traduction du Breviarium ab Urbe condita d’Eutrope par Jofroi de Waterford : ms Paris, BNF, fr. 1822
[fin du XIIIe s.] Traduction anonyme de l’Epitoma rei militaris de Végèce : ms Saint-Pétersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, Fr. F. v. IX, 1 [dernier quart du XIIIe siècle]
[début du XIVe siècle] Traduction anonyme de la Chronique d’Isidore de Séville : ms Paris, BNF, fr. 688
[début du XIVe siècle] Traduction anonyme du Breviarium ab Urbe condita d’Eutrope : ms Paris, BNF, fr. 688
[1315-1320] Li livres Flave Vegece de la chose de chevalerie, traduction anonyme, attribuée à Jean de Vignay, de l’Epitoma rei militaris de Végèce : L. Löfstedt, Li livres Flave Vegece de la chose de chevalerie par Jean de Vignay, Helsinki, 1982 (Annales Academiae Scientiarum Fennicae, B 214) [ms de base contemporain de la traduction]
[1354-1359] Traduction de Tite-Live par Pierre Bersuire : ms Paris, BNF, nouv. acq. fr. 27401 ; ms Paris, BNF, fr. 263 ; ms London, British Libr., Royal 15.D.VI [ms de la fin du XIVe s.]
[1371-1375] Traduction du De civitate Dei par Raoul de Presles : ms Paris, BNF, fr. 22912
[1372] Traduction du Policraticus de Jean de Salisbury (1372) : Le Policratique de Jean de Salisbury (1372). Livre V. Éd. critique et comm. des textes français et latin avec traduction moderne par Charles Brucker, Genève, 2006, livre V, p. 132-204 (Publications romanes et françaises, 242)
[1375-1383] Traduction des Facta et dicta memorabilia de Valère Maxime par Simon de Hesdin : ms Paris, BNF, fr. 9749 (livres I à IV) ; ms. Paris, BNF, fr. 282 (livres V-VII.4)
[1380] Le livre de l’art de chevalerie de Vegesce, traduction anonyme de l’Epitoma rei militaris de Végèce : Le Livre de l’art de chevalerie de Vegece, traduction anonyme de 1380, éd. L. Löfstedt et alii, Helsinki, 1989 (Suomalaisen Tiedeakatemian toimituksia, B, 236) [ms de base copié vers 1420]
[1383-1401] Traduction des Facta et dicta memorabilia de Valère Maxime par Nicolas de Gonesse : ms Paris, BNF, fr. 282
[1400] Laurent de Premierfait, traduction du De casibus illustrium virorum de Boccace (1re rédaction) : ms Paris, BNF, fr. 24289
[ca 1400] Remaniement de la traduction de Tite-Live par Pierre Bersuire : ms Paris, BNF, nouv. acq. fr. 264
[1409] Laurent de Premierfait, traduction du De casibus illustrium virorum de Boccace (2e rédaction) : ms Paris, BNF, fr. 226 [copié ca 1415]
[ca 1417] Jean Lebègue, Les histoires que l’on peut raisonnablement faire sur les livres de Salluste : Les histoires que l’on peut raisonnablement faire sur les livres de Salluste, éd. Jean Porcher, Paris, 1962, d’après le ms Oxford, Bodleian Library, D’Orville 141
[ca 1422-1425] Jean de Rouvroy, traduction des Stratagemata de Frontin : ms Paris, BNF, fr. 1233 [pour le texte] ; ms Paris, BNF, fr. 1234 [pour le glossaire]
[ca 1450] Traduction anonyme en prose des Comédies de Térence : Therence en françois, prose et rime, avecques le latin, Paris, [A. Vérard], [entre 1500 et 1503]
[1460] Jean Miélot, traduction du Romuleon de Benvenuto da Imola : ms Besançon, BM 850
[ca 1460] Jean Miélot, Ampliacions ou declaracions sur le livre nommé « Romuleon » : éd. dans F. Duval, L’histoire romaine et sa diffusion en langue vulgaire à la fin du Moyen Age: l'exemple du Romuleon et de sa traduction par Sébastien Mamerot, thèse Paris-IV, 1998, t. V, d’après le ms London, British Library, Royal 19.E.V
[1461-1464] Ajourant Bourré, traduction du De officiis de Cicéron : Traité des Offices de Ciceron, éd. Lyon, [Jean de Vingle et Claude Dayne], 1493-1494 (exemplaire Paris, BNF, Rés. m.R 200)
[1466] Traduction du Romuleon de Benvenuto da Imola par Sébastien Mamerot : ms Paris, BNF, fr. 364 (livres I-VI) ; Le Romuleon en françois. Traduction de Sébastien Mamerot, Genève, 2000 (Textes littéraires français, 525) (livres VII-X).
[1468] Traduction de la première lettre de Cicéron à son frère Quintus par Jean Miélot : ms Paris, BNF, fr. 17001
[1473-1474] Traduction du De bello gallico par Jean Duchesne : S. Montigny, Edition partielle de l’oeuvre de Jean du Quesne [...], thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, 2006, t. I [contient l’édition du livre I] ; ms appartenant à une collection particulière [pour les autres livres]
[1476] Laurent de Premierfait, traduction du De casibus illustrium virorum de Boccace (1re rédaction remaniée) : De la Ruine des nobles hommes et femmes, Bruges, Colard Mansion, 1476 (exemplaire Paris, BNF, Rés. G. 355)
[1485] Traduction du De bello gallico par Robert Gaguin : ms Paris, BNF, fr. 728
[1486] Glossaire de la traduction de Tite-Live par Pierre Bersuire : La premiere decade de Titus Livius, Paris, [Antoine Caillaut], 1486
[1488] Traduction en vers des Comédies de Térence attribuée à Gilles Sibille : Therence en françois, prose et rime, avecques le latin, Paris : [A. Vérard], [entre 1500 et 1503]
[1491] Le premier [-second] volume de Orose [suivis de] Sénecque des motz dorez, des quatre vertus, en françoys, éd. A. Vérard, Paris, 1491
[ca 1500] Traduction du De officiis de Cicéron par David Miffant : Le livre Tulles des Offices, éd. Paris, Jean Petit, [1501?] (exemplaire Paris, BNF, Rés. E* 208)
Comprenant donc des occurrences réparties sur trois siècles, le corpus fait peu de place à des textes où la concentration des mots de civilisation romaine est faible. Il a été complété par des recherches dans les bases textuelles disponibles et dans les dictionnaires. De même, la lexicographie médiévale a été mise à contribution, qu’il s’agisse d’ouvrages unilingues (Etymologies d’Isidore de Séville ; Catholicon de Giovanni Balbi ; Derivationes d’Uggucio da Pisa ; Vocabulista de Papias) ou bilingues (Abavus, Aalma ; Dictionarius de Firmin Le Ver...). Ces textes, en effet, permettent souvent de mesurer l’originalité d’une glose française.
AVERTISSEMENT
Il a semblé utile de faire connaître largement cette base grâce au CNRTL. Nous avertissons ses utilisateurs que certaines données mériteraient d’être corrigées ou se trouvent parfois dupliquées dans des champs où elles n’ont pas leur place. Ces inconvénients seront, nous l’espérons, progressivement corrigés. Si vous citez des informations d’après cette base, nous vous remercions de la citer sous la forme suivante : Frédéric Duval, Base de civilisation romaine (XIIe-XVe s.) (CNRTL CNRS-ATILF).
Fiche technique
Version | Base de civilisation romaine 1.0 |
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Conception | Frédéric Duval |
Responsable scientifique | Frédéric Duval |
Responsable informatique | Sandrine Ollinger |
Contenu | 1 181 entrées 6 532 attestations |
Développement et maintien
Implémentation | Sandrine Ollinger |
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Comité éditorial | Frédéric Duval |